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Blindness de Fernando Meirelles

jeudi 8 mai 2008, par Olivier Bruaux


BLINDNESS Un film de Fernando Meirelles D’après le roman L’Aveuglement de José Saramago, prix Nobel de littérature (publié aux Editions du Seuil)

Casting : Julianne Moore, Mark Ruffalo, Danny Glover, Gael Garcia Bernal, Alice Braga

Durée : 2h00

Distribution : Pathé

Synopsis

Tout commence quand un homme perd subitement la vue alors qu’il est au volant de sa voiture, attendant que le feu passe au vert. Très vite, chacune des personnes qu’il rencontre : le "bon samaritain" qui accepte de le ramener chez lui, son épouse et son médecin sont frappés de "cécité blanche". Alors que la contagion s’étend à une vitesse fulgurante, la panique gagne la ville. Les victimes de plus en plus nombreuses sont mises en quarantaine dans un hôpital désaffecté. Une femme, épargnée par l’épidémie mais décidée à rester auprès de son mari à l’hôpital, tente d’y organiser un semblant de vie quotidienne civilisée. Lorsque le confinement dégénère en explosion de violence, elle prend la tête de la révolte et guide une famille improvisée à travers la ville dévastée.

NOTES DE PRODUCTION

La quête En 1995, José Saramago publie le roman "L’aveuglement". Don McKellar découvre la traduction anglaise en 1997, mais c’est seulement au festival de Mar del Plata où il présente son film Last Night qu’il laisse entendre au producteur Niv Fichman de Rhombus Media qu’il réfléchit à une adaptation du livre. “Saramago a écrit sur des choses dont j’avais parlé dans Last Night mais il aborde les problèmes d’une manière plus exacerbée” constate Don McKellar. Après lecture du livre, Niv Fichman partage l’enthousiasme de Don McKellar et décide d’acquérir les droits d’adaptation. Malheureusement, l’agent de José Saramago leur annonce que les droits du livre ne sont pas disponibles, que ce soit pour eux ou pour tous les autres acquéreurs potentiels (parmi lesquels Whoopi Goldberg, Diego Luna, ou même Fernando Meirelles). " J’ai longtemps résisté, car il s’agit d’un récit violent sur la dégradation sociale et je ne voulais pas qu’il tombe entre n’importe quelles mains " confie José Saramago au New York Times en 2007. Lorsque Saramago reçoit le prix Nobel de Littérature en 1998, McKellar et Fichman sont persuadés que leurs chances d’aboutir s’amenuisent mais ils insistent tant qu’en juillet 1999, Fichman reçoit un appel de l’agent de Saramago : il est prêt à les rencontrer à Lanzarote aux Iles Canaries. Toutes affaires cessantes, McKellar quitte un festival de cinéma en Australie et Fichman prend l’avion de Toronto. Les deux hommes se retrouvent à l’aéroport de Lanzarote. “Je crois que Saramago a été impressionné par notre implication” se souvient McKellar, “Il a cru en notre intégrité et a été rassuré par le fait qu’aucun studio n’était lié au projet… Il a aussi dit qu’il aimait le fait que nous soyons Canadiens." Au départ Fichman et McKellar pensaient que "L’aveuglement" résumait les tragédies du XXème siècle. En 2003, durant le long travail d’adaptation, l’épidémie de SRAS (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère) toucha Toronto, leur ville, qui fut stigmatisée lorsque l’OMS diffusa un avertissement sans précédent dissuadant les voyageurs de s’y rendre. Le SRAS fut suivi du Tsunami en décembre 2004 puis par l’ouragan Katrina à La Nouvelle Orléans en août 2005. Réaliser que tous ces événements avaient entraîné des violations des droits de l’homme les amena à voir en ce livre bien plus qu’un roman historique. “Dans le travail de Saramago, il y a un ton particulier qu’il est très difficile de retrouver au cinéma,” explique McKellar, “Aucun des personnages n’a de nom ou d’histoire, ce qui très inhabituel pour un récit hollywoodien. Le film, comme le roman, s’adresse directement au regard et vous demande de considérer les choses sous un angle différent. Pour moi, en tant que scénariste, c’est libérateur.”

La mise en scène

En 2006, Niv Fichman et Don McKellar comprennent que l’ampleur de BLINDNESS demande un réalisateur confirmé. “Je ne connaissais pas du tout Fernando,” dit Niv Fichman. “J’avais seulement vu ses films et lu des interviews. Quand je rêvais à qui serait parfait pour BLINDNESS, je rêvais de l’énergie cinétique et du jeu naturaliste de La Cité de Dieu, alliés à l’élégance et au très subtil caractère politique de The Constant Gardener, tant pour le livre que pour le film. ” “Cinq minutes de conversation avec Niv Fichman, c’est tout ce qu’il fallu, selon Andrea Barata Ribeiro, la productrice de O2 Filmes, pour convaincre Meirelles de prendre la barre de BLINDNESS. Avec le réalisateur arrive son équipe de La Cité de Dieu : César Charlone, le directeur de la photographie avec lequel il travaille depuis 20 ans, Tulé Peake le chef décorateur, Guilherme Ayrosa pour le son et Daniel Rezende au montage. Entre-temps, Niv Fichman avait proposé à la productrice Sonoko Sakai, fondatrice de Bee Vine Pictures, implantée au Japon et à Los Angeles, de s’associer au projet. Choisir un réalisateur brésilien signifiait que Fichman et Sakai ajoutaient le Brésil à leur mélange nippo-canadien. “La meilleure fusion" souligne Sonoko Sakai. “Alors que les coproductions sont difficiles parce qu’elles requièrent des financements de différents pays et demandent de dépasser les différences culturelles, ce projet a, sur de nombreux aspects, été réalisé sans effort. Sur le tournage, on entendait du portugais, de l’anglais, du français, de l’espagnol et du japonais, et pourtant nous parlions tous la même langue !". Cette coproduction trinationale a aussi permis de filmer les extérieurs au Brésil, à Sao Paolo, et de satisfaire une des conditions de Saramago : situer l’histoire dans une anonyme métropole non-européenne. “Ma première impulsion était de faire de cette histoire sombre, un film lumineux, à la lumière oppressante " dit Meirelles qui a lu le livre cinq ou six fois et relisait encore des passages la nuit, sur le tournage. "Cette histoire n’a pas qu’une seule vérité. Il y a de nombreux dilemmes. Mais, alors que le livre est très noir et blanc, j’ai ajouté pas mal de gris au récit. " Meirelles comprit que le récit de Saramago pouvait être interprété de plusieurs manières : comme une métaphore sur les réactions politiques et individuelles aux récentes catastrophes naturelles ; une parabole sur les dangers du monde futur ; un commentaire sur le fait de refuser de voir ce qui se passe autour de nous ; une méditation sur nos instincts primitifs ou encore comme un essai sur la faiblesse désespérée ou l’étonnante force de la conscience humaine. Il souhaitait que le film développe tous ces aspects à la fois et pas uniquement un seul, explicitement. Il a suivi à la lettre la citation (de l’ancien livre des exhortations) qui figure en préface du livre de José Saramago : " Si tu peux voir, regarde. Si tu peux regarder, observe. " Venu au cinéma après des études d’architecture, Fernando Meirelles a abordé le film de manière structurée “Le premier acte, où tout le monde devient aveugle, est très rapide. Presque comme un film d’action. Il est important que le public se sente oppressé de ne pas savoir ce qui se passe au début. Pour le deuxième acte, lorsque le médecin et sa femme entrent à l’hôpital, nous avons utilisé beaucoup d’images abstraites afin de rendre le sentiment général d’égarement. C’est aussi dans cet acte que l’homme au bandeau noir devient le narrateur, et que le barman s’auto-proclame Roi du Dortoir n° 3. L’histoire prend une tournure différente quand un groupe s’oppose à l’autre. Toutes les 20 minutes, vous avez un changement de situation. Après l’incendie à l’hôpital, une nouvelle porte s’ouvre, les gens partent et commence alors en quelque sorte un nouveau film. " Le roman, parabole profondément politique, est libéré des conventions du réalisme par le minimalisme de Saramago. Fernando Meirelles croit qu’il est possible d’avoir une lecture politique des événements de BLINDNESS. Il avait été attiré par The Constant Gardener car il voyait dans ce projet une réaction à la manière dont les Etats-Unis tentaient d’empêcher le Brésil de produire des médicaments génériques moins coûteux. De prime abord, le médecin incarné par Mark Ruffalo dans BLINDNESS peut être vu comme bon, humain et politiquement correct, alors que le Roi du Dortoir 3 peut paraître froidement opportuniste. “Imaginez que le Dortoir 3 soit un pays et que son président veuille le protéger, à tout prix. S’il devait envahir d’autres pays ou voler de la nourriture et du pétrole pour son pays, il le ferait. L’autre président, le Médecin du Dortoir 1, ne fait pas ces choses-là. Alors, parce qu’il n’est pas agressif, son peuple ne mange pas. Est-ce bien ou mal ? " “Le roman suscite de nombreuses questions, mais ne délivre pas de réponses ; il soulève des interrogations sur l’évolution de l’homme, provoque chez nous la réflexion critique sans toutefois indiquer la moindre direction. Je pense que cet aspect du livre permet à chaque lecteur de projeter ses propres questions et toutes les interprétations possibles font sens" souligne Meirelles. "Je ne crois pas que nous soyons devenus aveugles. Je pense que nous l’avons toujours été. Des gens qui peuvent voir, mais ne voient pas. " Le voyeurisme, latent dans l’ouvrage de Saramago, est exacerbé lorsque l’histoire est transposée à l’écran. C’est peut-être la plus grande différence entre livre et film. Dans le livre, seule la femme du médecin peut voir ce qui se passe autour d’elle. Dans le film, si la femme du médecin est témoin, le public l’est aussi. “Pour la première fois depuis son arrivée, la femme du médecin avait le sentiment d’être derrière un microscope à observer le comportement d’êtres humains qui ne soupçonnaient même pas sa présence, et soudain ceci lui apparut méprisable et obscène. Je n’ai pas le droit de regarder si les autres ne peuvent me voir pensa-t-elle.” “Comme la femme du médecin, nous observons les gens et cela pose la question de savoir s’il est humain de regarder sans agir" constate McKellar. “Vous êtes aussi confronté à des choses que vous ne souhaiteriez pas forcément voir. Vous voulez la liberté de regarder ailleurs, de tourner la tête mais ce n’est pas permis. C’est de cela qu’il s’agit dans la position de la femme du médecin tandis que son champ de responsabilités s’élargit. J’ai demandé à Saramago pourquoi elle avait mis si longtemps à agir ? Pourquoi elle n’était pas plus rapide ? Pourquoi, alors qu’elle voyait ce qui se passait, elle n’avait pas attrapé ses ciseaux et tué ? Il m’a répondu qu’elle prenait graduellement conscience de la responsabilité qui accompagne le fait de voir, d’abord pour elle, puis son mari, sa petite famille, son dortoir et enfin pour le monde où elle doit créer une nouvelle civilisation. C’est une responsabilité qu’elle ignorait. " 6

Point de vue – littéral et littéraire

Contrairement à la plupart des films, BLINDNESS n’adopte pas un seul point de vue. Au début, c’est celui du réalisateur qui s’intéresse successivement à chaque nouvelle victime de l’épidémie. A l’hôpital, cela devient l’histoire de la femme du médecin puisqu’elle est la seule qui puisse voir. A la moitié du film, c’est l’homme au bandeau noir joué par Danny Glover qui raconte l’histoire. Dès le début, ce personnage est l’alter ego de Saramago, à tel point que lors des premières conversations sur les acteurs, l’auteur a indiqué que celui qui le jouerait devait être grand (comme lui). Une fois revenu en ville, l’homme au bandeau noir garde sa voix de narrateur mais c’est à travers les yeux de la femme du médecin que nous voyons. Le médecin et sa femme Alors que les premières victimes s’installent en quarantaine, c’est la femme du médecin, jouée par Julianne Moore, dont l’histoire est exposée à tous les regards. “La principale préoccupation de cette femme est son mari" remarque Julianne Moore. “C’est ainsi qu’elle entre dans l’histoire. C’est juste une personne ordinaire et faillible. Tout repose sur son sens pratique. Au début, elle reste à la surface des choses et essaie d’organiser une vie quotidienne supportable. " Julianne Moore connaissait le travail de Fernando Meirelles. Elle savait aussi qu’il voulait faire ce film mais n’avait pas lu le livre : “Je voulais vraiment travailler avec lui. C’est un metteur en scène brillant avec un point de vue original. BLINDNESS est impressionnant et important. Je pense que c’est le type de film dont nous avons besoin aujourd’hui." L’actrice a fait sensation quand elle est arrivée en blonde sur le tournage. Meirelles lui avait demandé de se couper les cheveux mais elle avait décidé de pousser la transformation plus loin. L’idée lui était venue en lisant le scénario. "J’ai eu l’intuition que c’était le bon choix pour le personnage. Etre roux vous fait sortir du lot, vous appartenez à une minorité. Je voulais que l’épouse puisse se fondre dans la majorité." Malgré sa chevelure blonde, l’épouse n’est pas angélique. Elle n’est pas non plus l’ange de la vengeance, un aspect que Meirelles et Julianne Moore ont souhaité gommer. “Elle souhaite devenir un guide plus qu’une figure maternelle." souligne l’actrice. “Saramago pose la question de la responsabilité, qui sommes-nous et jusqu’à quel point sommes-nous responsables les uns des autres, du monde où nous vivons et de ce que nous faisons ? Vous devez prendre conscience des conséquences de vos actes." Fernando Meirelles : “Techniquement, Julianne est très réactive ; vous dites quelque chose, elle répond immédiatement, elle comprend parfaitement l’histoire et l’intrigue. Elle sait également à quelle distance de la caméra elle doit se placer." Parallèlement à la progression du sentiment de responsabilité chez l’épouse se développe la déchéance du médecin, joué par Mark Ruffalo. Au début, l’ophtalmologiste est un homme sérieux, responsable, pilier de sa communauté qui va jusqu’à informer le ministère de la santé de l’épidémie. Lorsqu’il perd la vue et qu’il est envoyé à l’hôpital, il perd son autorité professionnelle car il est désormais inutile face à l’épidémie, puis devient dépendant de son épouse. Pour Meirelles, le médecin subit une sorte de castration. 7 “Sa femme fait le sacrifice de l’accompagner à l’hôpital" explique Mark Ruffalo. “Il se trouve pathétique surtout quand il découvre que sa femme est plus forte que lui-même. “ C’est à Cannes, en 2007, que Mark Ruffalo et Fernando Meirelles se rencontrent pour parler du film et du rôle du médecin. Fidèle à l’enseignement de Stella Adler, Ruffalo a exploité, avant tout… ses pantoufles. “Je les ai mises le premier jour et j’ai traîné les pieds. J’aimais leur bruit et la manière dont elles me faisaient marcher. Elles ont quelque chose de pathétique et soulignent la perte de l’autorité du médecin." Ruffalo aime trouver ses personnages à travers les vêtements qu’il porte et c’est un parfait exemple de la technique de Adler. “Le monde physique ne ment pas et il nourrit, sans détour, tant votre monde intérieur que votre jeu." Cette sincérité a beaucoup plu à Meirelles : “Mark possède vraiment cette qualité. Il apporte cette incroyable chaleur et je trouve ça formidable. “ L’homme au bandeau noir Dès le début Don McKellar comprit que l’homme au bandeau noir était le double de Saramago. “C’est comme avoir le romancier dans la distribution" constate Meirelles. “Le bandeau a également une signification symbolique, le personnage voyait déjà mal avant l’épidémie, il a donc une meilleure compréhension de la situation.” Danny Glover fait de l’homme au bandeau noir un prophète aveugle, Tirésias, en somme, celui qui révèle les secrets. “Mon personnage entre dans ce monde nouveau en étant déjà borgne. Il sait où il en est de sa vérité, de lui-même. Il s’accepte tel qu’il est ", explique Glover. La femme aux lunettes noires Dans BLINDNESS, Alice Braga joue la femme aux lunettes noires, qui, dans le livre, est une prostituée. Pour le film, Fernando Meirelles et l’actrice ont souhaité créer un autre personnage. “Elle est mystérieuse” dit Braga. “Elle couche avec des hommes parce que c’est, pour elle, de l’argent facile, mais je n’ai pas voulu la considérer uniquement sous cet aspect." C’est seulement lorsqu’elle devient aveugle que cette femme s’adoucit et devient plus attentionnée avec autrui. “Au début, elle aide le jeune garçon mais très vite, elle développe un fort sentiment maternel." “Elle est dure lorsqu’elle arrive à l’hôpital pour la première fois, protégée par ses lunettes et ses cheveux en cascade" explique Meirelles. “Au début, on comprend mal sa relation au garçon. Elle est froide. Elle l’aide, mais sans chaleur ni affection. Puis, peu à peu, elle devient plus humaine. " Le voleur et le barman / Le roi du dortoir 3 “Même si personne ne le croit vraiment, je n’ai pas écrit le rôle du voleur pour moi" affirme Don McKellar. “Mais j’ai aimé l’artifice qui vous fait prendre le voleur pour un méchant. C’est un personnage pathétique dont le désespoir comprend même un certain charme. C’est quand vous rencontrez le roi du dortoir 3 que vous découvrez le vrai désespoir.” 8 Gael García Bernal avait lu le roman il y a six ans : "A de nombreux niveaux cette histoire est exceptionnelle. Elle a une base philosophique réfléchie et solide. Il y est question de l’incapacité à vivre ensemble ; là où les gens ne se voient pas mais sont contraints d’admettre la présence d’autrui. Elle pose des questions sur des structures morales et sociales qui nous ont été enseignées. Le monde entier est organisé comme ces dortoirs. Mais c’est finalement une histoire pleine d’espoir car nous pouvons faire en sorte de nous sauver. " L’ambiguïté du personnage du roi du dortoir 3 est paradoxale. Il ne peut être considéré ni comme cruel ni comme simplement protecteur. Le roi est comique et sauvage à la fois. Que les rares moments lumineux viennent de manière totalement impromptue (la scène où il chante a surpris García Bernal) rend les moments sombres encore plus troublants. “Le roi n’est pas stupide, il est très pratique, très pragmatique. Il semble froid car ce n’est pas un idéaliste et n’a aucun espoir mais c’est un survivant, comme tous les autres. Dire que le roi est mauvais, serait aller à l’encontre de la morale de l’histoire. Il choisit des solutions pratiques pour son dortoir. " Le premier aveugle et sa femme Pour répondre au souhait de Saramago, le film se déroule dans une métropole non-européenne aux identités ethniques marquées. Sao Paolo fut choisie comme lieu de tournage car la ville n’avait pas un paysage urbain identifiable. Cependant elle abrite une communauté japonaise assez importante ce qui a permis, pour le premier aveugle et sa femme, d’avoir recours à Yusuke Iseya et Yoshino Kimura. L’idée d’avoir des acteurs asiatiques vient de Meirelles et McKellar. Fernando Meirelles : "Même si les dialogues sont en anglais, le couple peut, quand il est seul, parler japonais, donc les acteurs n’ont pas besoin de bien parler anglais." Yusuke Iseya et Yoshino Kimura sont des acteurs réputés au Japon. Ils ont récemment travaillé ensemble avec Quentin Tarantino et dans Sukiyaki Western Django, de Takashi Miike. Le premier aveugle et sa femme sont ceux que le public suit le plus longtemps. Leur cécité souligne la distance croissante qu’il y a entre eux. Dans une scène qui ne figure pas dans le livre, mais a été imaginée par Meirelles et les acteurs, le couple est assis sur un banc face à un mur immense alors que des ordures brûlent à proximité. Le premier aveugle tente en vain de ramener sa femme vers un temps où ils étaient heureux. Le dialogue, adapté à un contexte japonais par Yusuke Iseya lui-même, n’atteindra sa conclusion, tout aussi improvisée, que vers la fin du film. Les ateliers Avec dix acteurs principaux et 150 figurants sur le lieu de tournage (une prison à Guelph Ontario) plus 300 à 400 figurants (tous voyants sauf deux) à Montevideo, Uruguay, puis à Sao Paolo, Brésil, les coaches de BLINDNESS Christian Duurvoort et Barbara Willis Sweete ont développé une technique perfectionnée afin d’apprendre aux voyants à agir comme des aveugles. “Il faut un minimum de huit heures pour enseigner une cécité récente convaincante" dit Duurvoort. Les ateliers étaient constitués de deux sessions de quatre heures qui exploraient l’espace, les expériences sensorielles des odeurs et des sons, des exercices physiques individuels et collectifs. Tous commençaient par environ une heure et demie de travail les yeux bandés ce 9 qui permettait aux acteurs de commencer à comprendre un mouvement indépendant de la vision. "Pour les aveugles, l’espace est ce que le corps touche. Les voyants entendent des sons auxquels ils ne sont pas attentifs, mais pour les aveugles, ils sont très importants" poursuit Duurvoort. Puis, les bandeaux étaient retirés, pour aller progressivement d’un jeu les yeux fermés à un jeu les yeux ouverts. Les acteurs principaux pouvaient choisir de jouer avec des lentilles qui les rendaient aveugles, une solution souvent choisie pour les scènes intenses qui leur permettait de se concentrer sur leur jeu plutôt que sur leur cécité feinte. “Au début, j’ai demandé les lentilles” confie Alice Braga, “il y avait trop de choses auxquelles penser pour pouvoir éviter de regarder. Il fallait aussi ressentir les émotions et parler dans différentes langues. ” Fernando Meirelles fut si impressionné par ces ateliers, qu’il ne se contenta pas d’y participer mais insista pour que tout le monde le fasse y compris César Charlone, le directeur de la photographie ou d’autres responsables d’équipes. “Pour moi” dit Meirelles, “l’expérience la plus forte fut le son : ce qu’on entend, et comment cela modifie votre perception du monde alentour. Donc dans le film vous allez entendre mieux. Le son sera très net afin que les spectateurs prêtent attention au plus petit bruit." De surprenantes leçons furent tirées des ateliers de cécité. “Etre aveugle ressemble beaucoup au jeu du comédien, il s’agit d’apprendre très tôt à accepter l’humiliation. Quelques fois vous allez être ridicule, vous allez vous cogner dans les murs, vous allez rater l’urinoir. Vous passerez pour un imbécile, ce qui, au fond, est ce que vous découvrez lors de votre première année d’école de théâtre où vous apprenez à être vulnérable sur scène, à permettre aux gens de voir votre insécurité et votre embarras. Devenir aveugle ressemble beaucoup au parcours de l’acteur" dit Don McKellar. Danny Glover a commencé ses ateliers en Bulgarie où il jouait dans un autre film. Christian Duurvoort s’y est rendu afin que l’acteur puisse débuter sa préparation avant d’arriver au Canada. “Face à une situation comme celle-ci vous ressentez une certaine anxiété” dit Danny Glover. “Christian m’avait fortement conseillé de regarder le documentaire Black Sun sur un peintre devenu aveugle. Le travail avec Christian m’a donné une sensibilité particulière à la manière dont le corps ressent les choses. Cela m’a donné une certaine assurance.” L’expérience de Mark Ruffalo est allée plus loin. “Dans ce type d’épreuve vous ne pouvez pas tenir seul. Saramago, communiste revendiqué, dit dans cette histoire que si vous êtes privé de la vue, tout ce qui vous reste est la communauté. Dans ces ateliers, vous êtes jetés les yeux bandés dans une rue en compagnie de 20 étrangers avec seulement une cloche pour vous guider et vous résistez. Vous êtes dans l’espace personnel des autres. Chacun commence à s’accrocher à un autre et à bouger en tant que groupe. Et immédiatement, cela crée la confiance en autrui. ” 10 Biographies José Saramago Né en 1922 à Azinhaga, au Portugal, José Saramago a été le directeur adjoint du quotidien Diario de noticias pendant plusieurs années. Son oeuvre est aujourd’hui traduite dans le monde entier. Docteur Honoris Causa de plusieurs universités, dont celle de Bordeaux, il a reçu en 1995 le prix Camões, la plus haute distinction des lettres portugaises, et en 1998 le prix Nobel de littérature. Son oeuvre est principalement éditée en France au Seuil : La Lucidité (2006) L’Autre comme moi (2005) Pérégrinations portugaises (2003) La Caverne (2002) Le Conte de l’île inconnue (2001) Manuel de peinture et de calligraphie (2000) Tous les noms (1999) L’Aveuglement (1997) L’Evangile selon Jésus-Christ (1993) Histoire du siège de Lisbonne (1992) Quasi Objets (1990) Le Radeau de pierre (1990) L’Année de la mort de Ricardo Reis (1988) Le Dieu manchot (1987) 11 Fernando Meirelles Etudiant en architecture à l’Université de Sao Paulo, Fernando Meirelles réalise en parallèle ses premières vidéos expérimentales avec un groupe d’amis. Ensemble ils fondent la société de production Olhar Electronico. Après neuf ans de travail pour les télévisions indépendantes, Fernando Meirelles se tourne vers la publicité dans les années 80. Avec Paulo Morelli et Andrea Barata Ribeiro il crée, au début des années 90, une autre société de production, O2 Filmes. En 1998, il co-réalise son premier long métrage Menino Maluquinho 2 : a aventura, une comédie familiale, suivi de Domésticas l’année suivante. Son troisième film, La Cité de Dieu, grand succès au Brésil reçoit les Grands Prix brésiliens du meilleur film et meilleur réalisateur en 2002. Il est présenté au festival de Cannes la même année. Le film obtient de nombreux prix internationaux et vaut à Meirelles 4 nominations aux Oscars 2004, dont celle de meilleur réalisateur. C’est aux Etats-Unis qu’il réalise en 2004 The Constant Gardener, adaptation du roman éponyme de John Le Carré. Il a récemment participé à la production de plusieurs films parmi lesquels : Les Toilettes du Pape, co-réalisé par César Charlone, son fidèle directeur de la photographie, et La cité des Hommes, long métrage adapté de la série télévisée "Cidade dos Homens" dont il a réalisé 4 épisodes, sorti au Brésil en 2007. Julianne Moore Après des études de théâtre à l’Université de Boston, elle débute sa carrière d’actrice sur les planches à New York. Elle commence à travailler pour la télévision au milieu des années quatre-vingt et y gagne sa première récompense en 1988, un Daytime Emmy Award pour un soap opera. C’est avec Darkside, Les Contes de la Nuit en 1991 qu’elle apparaît pour la première fois au cinéma. Elle joue dans Short Cuts de Robert Altman et dans le dernier film de Louis Malle Vanya, 42e rue en 1995 mais c’est Todd Haynes qui lui offre son premier grand rôle en 1995 dans Safe. Elle apparaît ensuite dans Assassins, 9 mois aussi, Le Monde perdu : Jurassic Park mais c’est son rôle dans Boogie nights de Paul Thomas Anderson en 1998 qui lui vaut plusieurs citations aux Golden Globes et aux Oscars. Dès lors, nombreux sont les réalisateurs à vouloir la diriger : les frères Coen (The Big Lebowski en 1998) Gus Van Sant (Psycho en 1999), Robert Altman (Cookie’s Fortune en 1999) et Neil Jordan (La Fin d’une liaison en 2000). Le film de ce dernier lui vaudra une deuxième citation à l’Oscar de la meilleure actrice. 2003 sera pour Julianne Moore une année importante : elle partage avec Meryl Streep et Nicole Kidman l’affiche de The Hours de Stephen Daldry, et Todd Haynes lui offre de nouveau un rôle à sa mesure dans Loin du Paradis. Citée une troisième fois aux Golden Globes pour ce film, elle le sera une nouvelle fois pour l’Oscar de la meilleure actrice tout en concourant aussi pour le meilleur second rôle grâce à The Hours. 12 Depuis, Julianne Moore a notamment été à l’affiche de Une affaire de coeur de Peter Howitt en 2004, Trust the man de Bart Freundlich en 2006, Les Fils de l’homme d’Alfonso Cuaron en 2006 et I’m Not There de Todd Haynes en 2007 . Mark Ruffalo Formé au Conservatoire Stella Adler de Los Angeles, Mark Ruffalo fonde sa propre compagnie Orpheus Theatre Company. Il écrit, met en scène, fait la régie autant qu’il joue et en dépit de critiques élogieuses, il est serveur pour joindre les deux bouts. Alors qu’il est sur le point de tout abandonner il rencontre Kenneth Lonergan, auteur metteur en scène. Le succès qu’il rencontre dans sa pièce "This Is Our Youth" à New York, amène le metteur en scène à lui offrir un rôle dans son film Tu peux compter sur moi en 2001. Le film est un succès, certains critiques le comparent à Marlon Brando jeune, et depuis il tourne. Eclectique, il joue aussi bien dans les films d’action Le Dernier château en 2002 de Rod Lurie et Windtalkers, Les Messagers du vent de John Woo que dans les comédies romantiques 30 ans sinon rien en 2003 de Gary Winick, Et si c’était vrai... en 2005 de Mark Waters, La Rumeur court en 2006 de Rob Reiner. Mais Mark Ruffalo peut également interpréter des rôles plus dramatiques comme dans Ma vie sans moi d’Isabel Coixet en 2003 ou We Don’t Live Here Anymore de John Curran en 2005. On l’a aussi vu dans In the Cut de Jane Campion en 2003, Collateral de Michael Mann en 2004 et Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Michel Gondry et plus récemment dans Les Fous du roi de Steven Zaillian en 2006, et Zodiac de David Fincher en 2007. Pour autant Mark Ruffalo n’a pas entièrement abandonné le théâtre puisqu’il a, en 2006, joué à Broadway dans une pièce de Clifford Odet. Danny Glover Après ses études universitaires au San Francisco State College, Danny Glover travaille pour la municipalité. A 30 ans il suit une formation d’acteur au Black Actors’ Workshop de l’American Conservatory Theater qu’il complète au Shelton Actors Lab. Rapidement, il quitte son travail et s’illustre dans de nombreux spectacles dont "Suicide in B Flat", de Sam Shepard, "The Blood Knot" et "The Island" du Sud-Africain Athol Fugard. En 1982, c’est dans une de ses pièces "Master Harold...and the boys" que Danny Glover, à Broadway pour la première fois, obtient un Theatre World Award. Trois ans auparavant, il fait ses débuts au cinéma aux côtés de Clint Eastwood dans L’Evadé d’Alcatraz de Don Siegel en 1979. En 1985, après quelques années consacrées au petit écran, le comédien enchaîne trois films sous la direction de réalisateurs de renom. Witness de Peter Weir, Silverado de Lawrence Kasdan et surtout La Couleur pourpre de Steven Spielberg, qui le révèle auprès du grand public. En 1987 avec L’Arme fatale de Richard Donner, il inaugure son fameux duo avec Mel Gibson pour une saga de quatre films. Predator 2 de Stephen Hopkins en 1991 sera aussi un de ses 13 gros succès publics. Pour le premier film réalisé par Morgan Freeman Bopha ! en 1993, il tiendra le rôle d’un policier noir lors de l’Apartheid. Rare sur le grand écran, il joue dans des films très variés : Beloved de Jonathan Demme en 1999, La Famille Tenenbaum de Wes Anderson en 2002, Saw de James Wan en 2005, Manderlay de Lars von Trier, Dreamgirls de Bill Condon ou encore Soyez sympas rembobinez de Michel Gondry en 2008. Il a récemment réalisé un film sur Toussaint Louverture. En outre Danny Glover est depuis 1998, Ambassadeur des Nations Unies pour le développement. Gael García Bernal Fils d’acteurs, Gael García Bernal fait ses premiers pas dès l’âge de 9 ans à la télévision mexicaine dans la série "Teresa" aux côtés de Salma Hayek. A 14 ans, il est la vedette du soap opera "Abuelo y Yo". Après ses études à la Central School of Speech and Drama de Londres dont il est le premier élève mexicain, il rentre au Mexique. C’est Alejandro González Inárritu qui va lui offrir son premier rôle dans un long métrage, Amours chiennes (2000). Le film sélectionné pour concourir à l’Oscar du Meilleur film étranger fera remarquer García Bernal à Hollywood. Il enchaîne les longs métrages, au Mexique Y tu Mamá también d’Alfonso Cuaron en 2001, et Le Crime du Père Amaro de Carlos Carrera en 2003, également nominé aux Oscars, puis aux Etats-Unis Autour de Lucy de Jon Sherman en 2002 et Attraction fatale de Matthew Parkhill en 2004. A Cannes en 2004, il apparaît sous les traits du Che dans Carnets de voyage de Walter Salles et incarne pour Pedro Almodovar un travesti manipulateur dans La Mauvaise éducation. Depuis on l’a vu dans The King de James Marsh en 2006, La Science des rêves de Michel Gondry en 2006 et dans Babel d’Alejandro González Inárritu, prix de la mise en scène au Festival de Cannes 2006. En 2007, son premier film comme réalisateur est présenté à la Semaine de la critique, Déficit. Il a également travaillé au théâtre en présentant notamment une production de "Noces de Sang" de García Lorca, au Almeida Theatre à Londres.

Casting

L’épouse du médecin JULIANNE MOORE Le médecin MARK RUFFALO La jeune femme aux lunettes noires ALICE BRAGA Le premier aveugle YUSUKE ISEYA L’épouse du premier aveugle YOSHINO KIMURA Le voleur DON MCKELLAR Le comptable MAURY CHAYKIN Le petit garçon MITCHELL NYE L’homme au bandeau noir DANNY GLOVER Le « Roi » du dortoir 3 GAEL GARClA BERNAL

Réalisé par FERNANDO MEIRELLES

Adapté du roman de JOSÉ SARAMAGO

Scénario de DON MCKELLAR

Produit par NIV FICHMAN / ANDREA BARATA RIBEIRO / SONOKO SAKAI

Co-produit par BEL BERLINCK / SARI FRIEDLAND

Producteurs exécutifs : GAIL EGAN / SIMON CHANNING WILLIAMS TOM YODA / AKIRA ISHII / VICTOR LOEWY

Photographie CÉSAR CHARLONE, ABC

Décors : TULÉ PEAKE

Costumes : RENÉE APRIL

Montage : DANIEL REZENDE

Musique originale : MARCO ANTÔNIO GUIMARÃES / UAKTI

Pays : Japon, Brésil, Canada

Année de production : 2007

Date de sortie : 08/10/2008 (à l’affiche actuellement)

Les chiffres du film sont désormais regroupés dans l’onglet "BOX-OFFICE" ci-dessus.

Nbr copies (1er jour) : **

Budget : **.** M$

Site web : Cliquez ici

Visa : 121440 DrameTous publics (certaines scenes peuvent choquer) Drame, Tous publics (certaines scenes peuvent choquer)

Distribué par : PATHE DISTRIBUTION Durée et synopsis : 2h01 Le pays est frappé par une épidémie de cécité qui se propage à une vitesse fulgurante. Les premiers contaminés sont mis en quarantaine dans un hôpital désaffecté où ils sont rapidement livrés à eux-mêmes, privés de tout repère. Ils devront faire face au besoin primitif de chacun : la volonté de survivre à n’importe quel prix. Seule une femme n’a pas été touchée par la "blancheur lumineuse". Elle va les guider pour échapper aux instincts les plus vils et leur faire reprendre espoir en la condition humaine.

Sélection Officielle en Compétition au Festival de Cannes 2008.

Affiche du film Blindness

Fiche technique

Réalisateur FERNANDO MEIRELLES

Casting : JULIANNE MOORE , MARK RUFFALO , DANNY GLOVER , GAEL GARCIA BERNAL , ALICE BRAGA , DON MCKELLAR , YUSUKE ISEYA , YOSHINO KIMURA , MAURY CHAYKIN , MITCHELL NYE

Scénariste DON MCKELLAR

Ecrivain JOSE SARAMAGO Directeur de la photo CESAR CHARLONE Monteur DANIEL REZENDE Compositeur MARCO ANTONIO GUIMARAES Décorateur MATTHEW DAVIES TULE PEAK Costumier RENEE APRIL Producteur BEE VINE PICTURES O2 FILMES POTBOILER PRODUCTIONS RHOMBUS Producteur délégué ANDREA BARATA RIBEIRO NIV FICHMAN SONOKO SAKAI Presse ISABELLE DUVOISIN JEROME JOUNEAUX MATTHIEU REY Distributeur PATHE DISTRIBUTION Stock FILMOR

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