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57e Berlinale - Les témoins, jeux entre l’amour et la mort vus par Téchiné

mercredi 14 février 2007, par Thibault Lebert


La 57e Berlinale découvre lundi les témoins, une histoire d’amours non exclusives au temps du sida, fiévreusement filmée par le cinéaste français André Téchiné, Chroniques d’un scandale du Britannique Richard Eyre, qui raconte une amitié féminine qui tourne mal, et When a man falls in the forest de l’Américain Ryan Eslinger.

Après une série de films à la tonalité très politique - notamment Good bye Bafana de Bille August, sur l’apartheid en Afrique du sud et Letters from Iwo Jima de Clint Easwood, sur la Seconde guerre mondiale, projetés la veille -, le festival [1] s’est ouvert à trois chroniques plus intimistes.

Les témoins (115 minutes), en compétition pour l’Ours d’or, est une histoire d’amours non exclusives où la sensualité vire au tragique avec l’arrivée, au début des années 1980, d’une mystérieuse épidémie qui s’avère être le sida.

Chaque jour, la Parisienne Sarah (Emmanuelle Béart) tape des heures durant sur sa petite machine à écrire rouge. Elle écrit des contes pour enfants, des enfants dont elle ne sait pas grand-chose, si ce n’est qu’elle vient d’en avoir un, "livré sans emploi", se dit-elle, désemparée, en le regardant brailler.

Elle a pour compagnon Mehdi (Sami Bouajila), officier de police judiciaire, et pour meilleur ami Adrien (Michel Blanc), médecin bourgeois et homosexuel.

Un jour, Adrien s’enflamme pour Manu (Johan Libereau), jeune éphèbe fauché, croisé la nuit sur un lieu de drague, et le présente au couple lors d’un week-end ensoleillé dans les calanques. Une baignade, et le désir bascule...

Le film, que Téchiné, 64 ans, dit avoir conçu par "devoir de mémoire envers des amis disparus", et dans un souci de véracité historique proche du documentaire, montre que la pandémie infamante a d’abord décimé les plus vulnérables comme les prostitué(e)s et les toxicomanes.

« Nous sommes en guerre et les gens ne le savent pas ! », déclare Adrien devant l’afflux de patients dans son service hospitalier.

Marqué par le sentiment d’urgence qui habite ses protagonistes, les témoins est surtout une histoire de désir, un désir qui surmonte les barrières - raciales, sociales, sexuelles - et redessine en permanence l’identité.

La caméra fluide de Téchiné passe d’un personnage à l’autre, s’attache aux corps en mouvement dans des plans d’une grande sensualité.

Un plongeon dans la mer, une danse improvisée sur une terrasse écrasée de chaleur, une étreinte dans l’herbe ou le souffle d’un ventilateur sur un visage baigné de sueur... autant de sensations à fleur de peau, captées par le cinéaste, dans des séquences souvent coupées abruptement, comme dans le vif.

Autre film en compétition du jour, When a man falls in the forest est un chassé-croisé intimiste sur le sentiment de vide éprouvé par quatre personnages. Kate, campée par une Sharon Stone étonnante de sensibilité, traverse une crise personnelle et dans son couple, et vole dans les magasins pour se sentir exister. Son mari, Gary (Timothy Hutton), s’est peu à peu éloigné d’elle et reprend contact avec un vieux copain, Travis (Pruitt Taylor Vince), traumatisé depuis sept ans par un accident de voiture. Enfin, Bill (Dylan Baker), un homme de ménage légèrement autiste qui souffre de "TOC" (troubles obsessionnels du comportement), tente lui d’exister à travers ses rêves qui lui permettent de réaliser ce qu’il désire sans oser.

« Personne n’entend un arbre quand il tombe dans la forêt, c’est pareil quand on se sent disparaître » a dit Eslinger pour expliquer le titre donné à son film.

La Berlinale accueille aussi lundi Chronique d’un scandale du Britannique Richard Eyre, où Cate Blanchett et Judi Dench se partagent l’affiche.

Source : AFP

Notes

[1] 8-18 février

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